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  • : Le "tantra" n'est pas ce que tu crois
  • : Tantrisme, Shivaïsme du Cachemire, Lilian Silburn, Abhinavagupta, Vijnana Bhairava, Non dualité, Tantra
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Bastille - tango pendant le concert de Gotan Project -

...besoin de connaître, de ressentir, de rencontrer, de vibrer, de vivre... je sais peu, je sais rien, je tourne en rond...juste envie d'être un passeur, un veilleur, un témoin,
d'établir un espace de dialogue et de liberté autour du tantra
et des énergies de vie pour qui voudra... ...alors, bienvenue!

 

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4 juillet 2009 6 04 /07 /juillet /2009 14:40
Entretien avec Eric Baret

S’inscrivant dans le courant du tantrisme cachemirien, Éric Baret s’exprime, libre de toute codification rituelle. Pas d’enseignant, ni d’enseigné. L’enseignement est Silence. Il se manifeste, éventuellement, par la disponibilité au ressenti corporel tel qu’évoquée dans les grands textes comme le Vijnanabhairava Tantra.


Nouvelles Clés : Face à toutes les définitions qui en sont proposées, et à la lumière de votre expérience, pouvez-vous clarifier ce qu’est le tantrisme ?

Éric Baret : Les expériences vont et viennent, le tantrisme reflète ce qui est au-delà de l’expérience. Au niveau pratique, dans le sens classique de l’Inde, il est l’expression journalière de cette non-expérience.

N. C. : Rien à voir, donc, avec l’imagerie énergétique, magique et sexuelle que le tantrisme véhicule en Occident ?

É. B. : Les gouttes de tantrisme qui ont été formulées en Occident sont de lointaines prolongations du tantrisme traditionnel... Ces éléments sexuels, comme tous les arts, font partie du tantrisme. Mais pas plus que l’art du combat, l’art de la construction des temples... Également l’art des pratiques nommées sexuelles, qui ont été codifiées. Mais c’est un tout petit fragment. Quand on lit les grands textes du tantrisme cachemirien, par exemple le Tantraloka d’Abhinavagupta, il y a peut-être une cinquantaine de pages qui se réfèrent aux pratiques « sexuelles », et il y a deux mille pages qui se réfèrent à d’autres éléments.

N. C. : Vous parlez parfois du tantrisme comme d’un « courant », indépendant de toute culture, ou tradition..

É. B. : C’est un courant. Mais pas d’affirmation, de réponse, de savoir. L’enseignement tantrique pose des questions. Il ne répond jamais. S’il répondait, il proviendrait de la mémoire, il serait dans le connu. Faire face au présent affine le questionnement.

N. C. : Vous-même, quand avez-vous eu cette intuition ?

É. B. : Je n’ai jamais rien eu, mais j’ai rencontré quelqu’un qui avait actualisé dans sa vie cette interrogation vibrante. C’est ce qui m’a touché.

N. C. : Cet ami, pouvez-vous nous dire qui c’est ?

É. B. : Il s’appelait Jean Klein.

N. C. : Pour goûter, ou retrouver, ce pressentiment, le maître est-il indispensable ?

É. B. : Pour ce qui est du pressentiment essentiel, on ne peut pas répondre, parce que le maître qu’on rencontre n’est pas à l’extérieur de soi. Quand on rencontre son maître, c’est soi-même qu’on rencontre. Donc le problème ne se pose pas. Pour ce qui est de la codification, de la pratique du tantra, ou celle du yoga, on peut dire : oui, le maître technique est indispensable. Il faut quelqu’un qui ait déjà parcouru le chemin. Dans la tradition du Cachemire, des coups de mains sensoriels sont suggérés pour approfondir ce ressenti : yoga, travail sur le souffle, sur les mantras... Tout le travail qu’on appelle tactile, sensoriel, que ce soit seul ou avec un partenaire, faisait partie, pour Jean Klein, de cette intégration du pressentiment initial.

N. C. : Pourquoi tant d’importance accordée au ressenti ?

É. B. : On peut aisément voir que la plupart des gens sont constamment en train de penser. Quand ils marchent, quand ils mangent, quand ils font l’amour, ils pensent... C’est facile à constater. Quand on a vu cela en soi, une certaine disponibilité peut venir. Ce qui fait penser, c’est l’idée d’être une personnalité. On a une personnalité qui existe uniquement en fonction du futur et du passé. Elle existe en relation. Quand on abdique cette prétention à être une personnalité, il n’y a rien à penser. Les choses se présentent d’elles-mêmes. À ce moment-là, il n’y a pas de futur, il n’y a pas de passé. Donc, ce qui est présence - pas présent, parce que ce présent, c’est le passé - est sensoriel. C’est une façon d’être d’instant en instant. Ça ne veut pas dire qu’à certains moments, si de nouveau l’image d’une personnalité apparaît, il n’y a pas à nouveau un futur et un passé, bien sûr. Mais on se rend compte de ça. On observe, sans juger, sans vouloir changer. Et, à un moment donné, on s’aperçoit qu’on n’a plus le dynamisme de constamment vouloir se penser. C’est alors que la vie quitte les codifications mentales, morales de toute société classique. La vie n’est complexe que quand on pense : « Qu’est-ce que je vais faire tout à l’heure ? »,« Qu’est-ce que j’ai fait hier ? », « Est-ce que j’ai bien fait ou non ? », « Est-ce que je vais bien faire ou non ? »...

N. C. : Et dans l’instant présent, est-ce que je « fais » ?

É. B. : En vérité, on ne fait jamais rien. On prétend faire. C’est après qu’on s’approprie l’acte. Mais il n’y a jamais d’acteur. C’est un concept d’être un acteur. Pendant l’action, il n’y a qu’action. C’est un mouvement fonctionnel, le corps a bougé, sans réflexion. La situation amène sa solution.

N. C. : Est-ce l’attention portée au ressenti corporel qui vous amène à cette prise de conscience ?

É. B. : La vie sensorielle est sans inquiétude, sans demande, sans remord. Les choses sont ce qu’elles sont. C’est la manière de vivre créative : on ne sait rien, on ne veut rien, tout ce qui arrive on le veut, parce que c’est là. Il ne peut rien y avoir de plus grand que ce qui est là dans l’instant. Le reste est fantaisie. La spiritualité est une fantaisie, une psychopathie. La spiritualité, c’est uniquement ce qui est là dans l’instant. Toute la beauté est là. Si je pense à demain, à hier, j’insulte le moment. À vrai dire, j’ai peur du moment, j’ai peur de n’être rien, j’ai besoin de défendre mon image. Or, dans l’instant, on ne peut rien être, ni défendre, on n’a pas de prétention à être quoi que ce soit. Alors, qu’est-ce qui pourrait gêner ? Psychologiquement, j’entends. Le corps, bien sûr, est là : la jambe bouge, le chien mord la main, on va réagir, ça c’est fonctionnel. Mais la réaction psychologique de vouloir être une personnalité, être aimé, être approuvé... cela vous quitte complètement.

N. C. : En quoi, précisément, la vie est-elle « plus facile », pour vous ?

É. B. : Si l’on est psychiquement réactif, c’est que l’on est dans une histoire, que l’on se prend pour un personnage avec son cortège de drames inévitables. Or, je ne suis rien du tout. Peut-être que demain j’aurai une dépression nerveuse parce que ce pigeon, là en face, m’a marché sur le pied. Quelqu’un dont le fantasme est d’être libre, d’être sage, ne peut plus respirer, est tenu à être libre. Sans être tenu à rien, triste, coléreux, jaloux, irrité par le désir, par la laideur, par la lâcheté. Bien sûr, c’est merveilleux comme ça, mais je ne me cherche pas là-dedans. Donc ces états, s’ils viennent, occupent très peu de place, prennent très peu d’énergie. Si on ne se défend pas, tout est beauté. Mais quand on veut être libre, quand on veut être un sage, on vit dans des concepts.

N. C. : Une des conséquences de la pratique tantrique, c’est une très grande liberté ?

É. B. : On ne peut être libre que dans l’instant, parce qu’il n’y a rien d’autre que l’instant. Se dire : « Je veux être libre pour toujours », c’est de la peur. C’est comme avoir un mari pour toujours, un amant fidèle pour toujours, un chien pour toujours, la jeunesse pour toujours, de l’argent pour toujours... Non, il n’y a pas de sécurité. C’est cela, la beauté de la vie.

N. C. : Si tout est dans l’instant, s’il n’y a pas de devenir, il n’y a donc pas non plus de chemin... Qu’est-ce que la voie ?

É. B. : Le yoga, le tantra, la pratique, commence quand quelqu’un vient et qu’il n’a rien à demander. Quand quelqu’un vient avec des questions, dans l’attente de réponses, on est obligé de donner des calmants. Tous ces états, toutes ces pratiques assidues ne sont rien d’autre que des calmants pour les esprits agités. Quand surgit la véritable interrogation, profonde : « Qui suis-je ? », on ne demande plus rien. Là, l’enseignement arrive. Il arrive dans cette disponibilité. Quand on veut être enseigné, quand on veut savoir, c’est qu’il y a peur. On n’est pas prêt. C’est quand quelqu’un ne veut plus rien, ne sait plus rien que, vraiment, il peut être totalement présent.

N. C. : Revenons à cette part de l’enseignement tantrique qui fascine les Occidentaux : les pratiques sexuelles...

É. B. : Le plaisir, pour la majorité des gens, c’est une projection mentale. Il faut vraiment se rendre compte, au niveau plaisir et douleur, qu’il est exceptionnel de sentir un plaisir sans fantasmer dessus. Êtes-vous capable de ressentir une caresse sans faire d’histoire, sans bâtir une histoire autour, sans vous demander de qui elle vient, ce qu’elle signifie, etc ?

La réceptivité sensorielle va très loin. Cette exploration fait partie de la démarche tantrique. Voir à quel point ce qu’on croit être ressenti est, en fait, pensé. On ne ressent pas : on pense le ressenti.

N. C. : Et quand on commence à penser un peu moins ?

É. B. : C’est surtout le premier temps qui compte. Quand on se rend compte qu’on ne sent pas, il y a des moments où le ressenti commence à respirer.

N. C. : Et maithuna, dans tout ça ?

É. B. : maithuna, c’est un mot comme un autre. Toute perception est maithuna. Samyama, faire un avec, ce qui est mal traduit par identification, mais qui veut dire, plutôt, non-séparation. Quand vous regardez ce gazon, ou cet arbre, il y a non-séparation. Le fait de voir, sentir, toucher, c’est évidemment sexuel... C’est la sensorialité. Le yoga amène une délocalisation du corps. On voit, on sent, on entend, on écoute avec tout le corps. Alors, éventuellement, la technique tantrique dans le sens très limité du mot « sexuel » va vous faire approfondir cette capacité d’entendre avec les pieds, de sentir avec le dos, de lécher avec les bras. Ca va être une transposition de tous les sens. Les cinq sens vont être complètement mêlés, il n’y a pas de séparation. Plus ils se mêlent et plus la pensée est absente. Le grand travail tantrique, c’est le mélange des cinq sens. Se rendre compte, profondément, que les cinq sens sont un seul sens : la sensorialité. Pouvoir rester dans cette sensorialité sans passé, sans futur, sans pensée. Ensuite, tous les détails, on peut les travailler à l’infini. Chaque école s’est spécifiée. Selon chaque caractéristique humaine, on peut approfondir techniquement. Chaque personne va aborder le corps tactile de manière différente. Donc tout ce qui est technique est individuel, dépend de ce qu’est la personne, de ce qui lui convient.

N. C. : Qu’est-ce qu’a changé, pour vous, cette ouverture à la sensorialité ?

É. B. : Profondément, ce que ça change, c’est l’absence de besoin de se trouver en situation. Voilà ce qu’amène tout ce travail sensoriel : une cosmicité corporelle qui fait qu’on se sent un avec ce que l’on voit et ce que l’on rencontre. Une non-identité, donc une facilité d’être dans les situations de la vie. Plus de besoin compulsif. On n’a plus besoin d’être aimé pour être heureux. La liberté sensorielle, c’est l’amour sans objet.

 

 

(Source de cet entretien : www.nouvellescles.com)

 


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